Statuts des intermédiaires et prestataires financiers
Partie 1/3 : Les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et les conseillers en investissement financier (CIF)
Cette étude a pour objet d'appréhender les statuts des principaux acteurs ou intermédiaires de la finance.
Après un bref commentaire sur les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) dont le titre ne repose sur aucune assise juridique (Section 1), nous étudierons le régime des professions réglementées, placées sous l'égide du Code monétaire et financier (CMF).
L'encadrement législatif s'intéresse tant au domaine du conseil au travers des conseillers en investissement financier (CIF) (Section 2), qu'à la fourniture en soi de services d'investissement au travers des prestataires de services d'investissement (PSI) (Section 3). Enfin, nous étudierons l'exercice de l'activité d'intermédiation en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) (Section 4).
Section 1 : Statut de conseiller en gestion de patrimoine (CGP)
Il ne s'agit pas à proprement parler d'un statut mais d'une appellation générique, dépourvue de tout fondement juridique, désignant les intermédiaires exerçant l'activité de conseil en stratégie et organisation patrimoniale. Souvent assimilée par la pratique aux conseillers en investissement financier, qui eux font l'objet d'un statut réglementé.
Section 2 : Statut de conseiller en investissement financier (CIF)
I. Définition du CIF
A. Définition positive
Aux termes de l'article L.541-1 du Code monétaire et financier, un CIF est une personne exerçant à titre de profession habituelle :
- soit le conseil en investissement mentionné au 5 de l'article L. 321-1 du CMF (1) ;
- soit le conseil portant sur la fourniture de services d'investissement mentionnés à l'article L. 321-1 du CMF (2) ;
- soit le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L. 550-1 du CMF (3).
1. L’activité de conseil en investissement (art. L.321-1, 5. du CMF)
Ce service consiste à "fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l'initiative de l'entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers[1]" (art. D.321-1, 5. du CMF).
Notion de recommandation personnalisée :
- En vertu de l'article 314-43 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, pris en application de l'article D.321-1, 5. du CMF, une recommandation est personnalisée lorsqu'elle est adressée à une personne en raison de sa qualité :
- d'investisseur ou;
- d'investisseur potentiel ou;
- de représentant d'un investisseur ou;
- de représentant d'un investisseur potentiel.
- La présentation de cette recommandation doit être :
- adaptée à cette personne ou;
- fondée sur l'examen de sa situation propre.
- La recommandation doit porter sur la réalisation d'une des opérations suivantes :
- achat, vente, souscription, échange, remboursement, détention ou prise ferme d'un instrument financier particulier;
- exercice ou non-exercice du droit conféré par un instrument financier particulier d'acheter, de vendre, de souscrire, d'échanger ou de rembourser un instrument financier.
- Enfin, une recommandation n'est pas réputée personnalisée si elle est exclusivement:
- diffusée par des canaux de distribution ou;
- destinée au public.
2. L'activité de conseil portant sur la fourniture de services d'investissement
Le conseil doit porter sur la fourniture de l'un des différents services d'investissement visés à l'article L. 321-1 du CMF soit :
- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers (a) ;
- l'exécution d'ordres pour le compte de tiers (b) ;
- la négociation pour compte propre (c) ;
- la gestion de portefeuille pour le compte de tiers (d) ;
- le conseil en investissement (voir supra) ;
- la prise ferme (e) ;
- le placement garanti (f) ;
- le placement non garanti (g) ;
- l'exploitation d'un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1 (h).
a) La réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers (art. D.321-1, 1. du CMF)
Cette activité consiste à recevoir et transmettre à un prestataire de services d'investissement[2], pour le compte d'un tiers, des ordres portant sur des instruments financiers[3].
b) L'exécution d'ordres pour le compte de tiers (art. D.321-1, 2. du CMF)
Cette activité consiste à conclure des accords d'achat ou de vente portant sur un ou plusieurs instruments financiers, pour le compte d'un tiers.
Toutefois, l'exécution des ordres résultant des décisions d'investissement prises par les prestataires de services d'investissement dans le cadre du service :
- de gestion de portefeuille pour le compte de tiers ou;
- de la gestion d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou;
- d'un FIA relevant des paragraphes 1,2,3 et 6 de la sous-section 2, des sous-sections 3 et 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du CMF;
relève, selon le cas, dudit service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers ou de l'activité de gestion d'OPCVM ou de FIA relevant des dispositions précitées.
c) La négociation pour compte propre (art. D.321-1, 3. du CMF)
Cette activité consiste à conclure des transactions portant sur un ou plusieurs instruments financiers en engageant ses propres capitaux.
d) La gestion de portefeuille pour le compte de tiers (art. D.321-1, 4. du CMF)
Cette activité consiste à gérer, de façon discrétionnaire et individualisée, des portefeuilles incluant un ou plusieurs instruments financiers dans le cadre d'un mandat donné par un tiers.
e) La prise ferme (art. D.321-1, 6-1. du CMF)
Cette activité consiste à souscrire ou à acquérir directement auprès de l'émetteur ou du cédant des instruments financiers, en vue de procéder à leur vente.
f) Le placement garanti (art. D.321-1, 6-2. du CMF)
Cette activité consiste rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers et de lui garantir un montant minimal de souscriptions ou d'achats en s'engageant à souscrire ou acquérir les instruments financiers non placés.
g) Le placement non garanti (art. D.321-1, 7. du CMF)
Cette activité consiste à rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers sans lui garantir un montant de souscription ou d'acquisition.
h) l'exploitation d'un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1 (art. D.321-1, 8. du CMF)
Cette activité consiste à gérer un ou plusieurs systèmes "qui, sans avoir la qualité de marché réglementé, assure la rencontre, en son sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers sur des instruments financiers, de manière à conclure des transactions sur ces instruments" (art. L.424-1 du CMF).
3) L'activité de conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers
Il s'agit du conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers, définis à l'article L. 550-1 du CMF.
• Ces opérations consistent à proposer, à titre habituel, par voie de communication à caractère promotionnel ou de démarchage, directement ou indirectement, à un ou plusieurs clients ou clients potentiels de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque :
- les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou;
- le contrat leur offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi.
• La loi assimile à ces opérations :
- le fait de recueillir des fonds à cette fin ou;
- le fait de gérer lesdits biens;
- le fait de proposer à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d'acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d'un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire.
• Par ailleurs, l'article L550-1, VI du CMF exclut expressément de la catégorie des biens divers:
- les opérations de banque ;
- les instruments financiers et parts sociales ;
- les opérations régies par le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale ;
- l'acquisition de droits sur des logements et locaux à usage commercial ou professionnel ou des terrains destinés à la construction de ces logements ou locaux.
B. Définition négative
L'article L.541-1, III du CMF exclut expressément de la catégorie CIF certains organismes (1) ainsi que certaines personnes (2).
1) Les organismes exclus de la catégorie CIF (art. L518-1 du CMF)
Ne peuvent pas avoir le statut de CIF :
- les établissements de crédit;
- les entreprises d'investissement et les entreprises d'assurance;
- le Trésor public;
- la Banque de France;
- La Poste;
- l'institut d'émission des départements d'outre-mer;
- l'institut d'émission d'outre-mer;
- la Caisse des dépôts et consignations.
2) Les personnes exclues de la catégorie CIF (art. L. 531-2, 2°, g) du CMF)
Ne peuvent pas avoir le statut de CIF :
Les personnes qui fournissent à titre accessoire et dans le cadre d'une activité professionnelle non financière ou d'une activité d'expert-comptable :
- les services de conseil en investissement ou;
- de réception et de transmission d'ordres pour le compte de tiers.
II. Conditions d'accès à la profession (article L541-2 à -8 du CMF)
A. Conditions d'âge, d'honorabilité et de compétence professionnelle (L541-2 du CMF)
Aux termes de l'article D541-8 du CMF, les CIF personnes physiques, ainsi que les personnes physiques ayant le pouvoir de gérer ou d'administrer les personnes morales habilitées en tant que CIF doivent :
- avoir la majorité légale;
- ne pas faire l'objet d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer une activité ou un service par la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF);
- ne pas faire l'objet des sanctions mentionnées aux 3° à 7 de l'article L612-39 du CMF prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (autrement dit une sanction plus forte qu'un blâme).
- avoir le niveau de compétence professionnelle requis par règlement général de l'AMF[4]
Par ailleurs, les CIF sont soumis aux incapacités énoncées à l'article L. 500-1 du CMF.
B. Condition de lien géographique avec la France (article L541-2 du CMF)
Les CIF doivent résider habituellement ou être établis en France.
C. Condition d'adhésion à une association agréée par l'AMF (article L541-4 du CMF)
Tout conseiller en investissements financiers doit adhérer à une association, agréée par l'AMF, chargée de la représentation collective et de la défense des droits et intérêts de ses membres. L'association doit faire approuver par l'AMF les conditions de compétence et de bonne conduite auxquels sont soumis les membres.
D. Condition d'assurance obligatoire (L541-3 du CMF)
Tout CIF doit pouvoir justifier à tout moment de l'existence d'un contrat d'assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle, en cas de manquement à ses obligations professionnelles.
Les niveaux minimaux de garantie sont fixés à 150 000 euros par sinistre et 150 000 euros par année d'assurance pour les personnes physiques et les personnes morales employant moins de deux salariés exerçant une activité de CIF. À partir de deux salariés exerçant une activité de CIF, les niveaux sont rehaussés à 300 000 euros par sinistre et à 600 000 euros par année d'assurance (article D541-9, V du CMF).
E. Conditions d'exercice
Les CIF ne peuvent pas recevoir d'instruments financiers de leurs clients. Ils ne peuvent recevoir de ceux-ci d'autres fonds que ceux destinés à rémunérer leur activité (article L.541-6 du CMF).
Par ailleurs, les CIF sont astreints à respecter les règles de bonne conduite prévues à l'article L541-8-1[5]. Ces règles sont complétées par le règlement général de l'AMF (article 325-3 à -9 dudit règlement) et par les codes de bonne conduite édictées par les associations agréées par l'AMF.
III. Obligation d'immatriculation (art. L541-1-1 du CMF)
Les CIF sont immatriculés sur le registre unique des intermédiaires, tenu par l'association "ORIAS - Registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance "[6], librement accessible au public. L'inscription est renouvelable chaque année et est subordonnée au paiement préalable auprès d' "ORIAS" de frais d'inscription dans la limite de 250 euros (article L512-1 du Code des assurances).
IV. Sanctions pénales (art. L573-9 à 11 du CMF)
A. Infractions
1. Exercice illégal de l'activité de CIF (art. L573-9, 1° du CMF)
Le fait, pour toute personne, d'exercer l'activité de conseil en investissements financiers définie à l'article L. 541-1 sans remplir les conditions prévues par les articles L. 541-2 à L. 541-5 est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende.
2. Violation de l'interdiction de recevoir des fonds de ses clients (art. L573-9, 3° du CMF)
Le fait, pour toute personne se livrant à l'activité de conseil en investissements financiers, de recevoir de ses clients des fonds en violation de l'interdiction prévue à l'article L. 541-6 est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende.
B. Modalités communes
Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent les peines complémentaires prévues à l'article L573-10 du CMF.
Notons également que la commission de ces infractions par une personne morale, entraine en application des modalités de l'article 131-38 du Code pénal, une peine d'amende jusqu'à 1.875.000 euros, sans préjudice de l'application des peines prévues par l'article 131-39 du Code pénal (art. L573-11 du CMF).
<hr%" />
[1] Au sens de l’article L211-1 du CMF, constituent des instruments financiers, les titres financiers (titres de capital émis par les sociétés par actions ; titres de créance, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ; parts ou actions d'organismes de placement collectif) et les contrats financiers (il s’agit des contrats à terme qui sont listés à l’article D211-1 A du CMF).
[2] Ou à une entité relevant d'un Etat non membre de l'Union européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen et ayant un statut équivalent.
[3] Pour la définition d'instruments financiers, voir note de bas de page numéro 1.
[4] Article 325-1 du règlement général de l'AMF : "Préalablement à son entrée en fonction, le conseiller en investissements financiers justifie :
1° Soit d’un diplôme national sanctionnant trois années d’études supérieures juridiques, économiques ou de gestion, ou d’un titre ou d’un diplôme de même niveau adapté à la réalisation des opérations mentionnées au I de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier ;
2° Soit d'une formation professionnelle adaptée à la réalisation des opérations mentionnées au I de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier ;
3° Soit d'une expérience professionnelle d'une durée de deux ans dans des fonctions liées à la réalisation d'opérations relevant des catégories énumérées au I de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier, cette expérience ayant été acquise au cours des cinq années précédant son entrée en fonction".
[5] Article L541-8-1 al. 1er du CMF : "Les conseillers en investissements financiers doivent :
1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;
2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ;
3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en œuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;
4° S'enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s'abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ;
5° Communiquer aux clients d'une manière appropriée, la nature juridique et l'étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l'article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations".
[6] Arrêté du 24 septembre 2014 portant homologation des statuts de l'organisme en charge de la tenue du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance.