Vente d'un lot de copropriété : honoraires du syndic pour l'établissement du "pré-état daté" et de l'état daté
Le "pré-état daté" est une création de la loi Alur du 24 mars 2014 renforçant la protection de l'acquéreur, et ce dès la signature de la promesse synallagmatique de vente. Il s'ajoute ainsi au dispositif de l'état daté, issu du décret du 17 mars 1967, obligatoire avant signature de l'acte définitif de vente.
Cette étude s'intéresse la question de la prise en charge des frais d'établissement de ces documents émanant du syndic, nécessaires lors de la vente de lots de copropriété, tant au moment de la promesse de vente (II) que de la vente définitive (I).
I. Etat daté
A. Obligation
Le syndic, avant l'établissement d'un acte conventionnel réalisant ou constatant le transfert de propriété d'un lot, adresse au notaire chargé de recevoir l'acte, à la demande de ce dernier ou à celle du copropriétaire qui transfère tout ou partie de ses droits sur le lot, un état daté comportant trois parties (art. 5 du décret n°67-223 du 17 mars 1967).
Autrement dit, le syndic, avant la conclusion de la vente définitive, doit adresser au notaire un état daté.
Première partie de l'état daté : indication des créances du syndicat à l'égard du cédant
- provisions exigibles du budget prévisionnel ;
- provisions exigibles des dépenses non comprises dans le budget prévisionnel ;
- charges impayées sur les exercices antérieurs ;
- sommes dues pour des travaux dont le paiement est différé ;
- avances exigibles.
Deuxième partie de l'état daté : indication des créances du cédant à l'égard du syndicat
- avances ;
- réserves ;
- provisions versés sur le budget prévisionnel pour la période à venir.
Troisième partie de l'état daté : indication des sommes qui incomberont au nouveau propriétaire
- reconstitution des avances mentionnées à l'article 45-1 et ce d'une manière même approximative ;
- provisions non encore exigibles du budget prévisionnel ;
- provisions non encore exigibles dans les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel ;
- état des procédures.
B. Honoraires du syndic
Le propriétaire concerné (le vendeur) doit régler les honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot (art. 10-1, b. de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).
Notons que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, modifiant l'article 10-1 précité, a précisé que le montant des honoraires des syndics en matière d'état daté serait plafonné par décret. A ce jour, le décret n'a toujours pas été publié.
II. "Pré-état daté" ou obligations informatives de l'article L721-2 du CCH[1]
A. Obligations
En cas de promesse de vente, sont remis à l'acquéreur, au plus tard à la date de signature de la promesse, un certain nombre de documents et informations. L'ensemble est appelé en pratique " pré-état daté"
La remise des documents peut être effectuée sur tous supports et par tous moyens, y compris par un procédé dématérialisé sous réserve de l'acceptation expresse par l'acquéreur.
L'acquéreur atteste de cette remise :
- soit dans l'acte contenant la promesse de vente par sa simple signature lorsqu'il s'agit d'un acte authentique ;
- soit, lorsque l'acte est établi sous seing privé, dans un document qu'il signe et qu'il date de sa main.
Par exception, les documents mentionnés aux 1., 3., 4. et 5. ne sont pas exigés lorsque l'acquéreur est déjà propriétaire d'au moins un lot dans la même copropriété.
Notons encore que les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années ainsi que les documents mentionnés au 3., au 4. et 5. ne sont pas exigés en cas de vente ou de cession de droit réel immobilier relatif à un lot ou une fraction de lot annexe[2].
1. Documents relatifs à l'organisation de l'immeuble
-fiche synthétique de la copropriété ;
- règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s'ils ont été publiés ;
- procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, sauf lorsque le copropriétaire vendeur n'a pas été en mesure d'obtenir ces documents auprès du syndic ;
2. Informations financières[3]
- montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ;
- sommes susceptibles d'être dues au syndicat des copropriétaires par l'acquéreur[4] ;
- état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs [5];
- lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d'un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot.
3. Carnet d'entretien de l'immeuble
4. Notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété[6]
5. Le cas échéant, les conclusions du diagnostic technique global mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 731-1.
Les documents mentionnés au c du 1°, au 3°, au 4° et au 5° ne sont pas exigés en cas de vente ou de cession de droit réel immobilier relatif à un lot ou une fraction de lot annexe.
Est notamment considéré comme un lot annexe au sens du présent article un emplacement de stationnement ou un local tel qu'une cave, un grenier, un débarras, un placard, une remise, un garage ou un cellier.
La remise des documents peut être effectuée sur tous supports et par tous moyens, y compris par un procédé dématérialisé sous réserve de l'acceptation expresse par l'acquéreur.
L'acquéreur atteste de cette remise soit dans l'acte contenant la promesse de vente par sa simple signature lorsqu'il s'agit d'un acte authentique soit, lorsque l'acte est établi sous seing privé, dans un document qu'il signe et qu'il date de sa main.
B. Honoraires du syndic
En l'absence de dispositions législatives ou règlementaires, deux hypothèses peuvent être envisagées en se fondant soit sur une interprétation extensive de l’article 10-1 b. de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (1) soit sur les solutions jurisprudentielles antérieures à l’instauration de l’article 10-1 b (2).
1. Assimilation aux dispositions applicables à l'état daté
À l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot, l'article 10-1, b. de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 impose au propriétaire concerné de régler au syndic les honoraires en rapport avec les prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté.
Ces dispositions législatives laissent place à une interprétation large qui consisterait à considérer le "pré-état daté" comme une prestation obligatoire, préalable, et nécessaire à l'établissement de l'état daté, d'autant que la plupart des éléments figurant dans le "pré-état daté" seront, en pratique, repris purement et simplement dans l'état daté ultérieur.
Dans ce cadre, le "pré-état daté" serait une prestation préalable, effectué en vue de l'établissement de l'état daté subséquent et donc soumis aux dispositions de l'article 10-1, b. de la loi précitée.
2. Application de la jurisprudence antérieure en matière d'état daté
Avant la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, la jurisprudence était bien établie en matière de frais de mutation dus au syndic en de changement de propriétaire.
a. Régime de la dette en fonction de l'objet de prestation
α. Frais ayant pour origine une prestation collective
Il s'agit des frais de mutation qui ont pour origine des prestations effectuées dans l'intérêt de la collectivité, objet du contrat de syndic. Ces services collectifs sont expressément visés par l'alinéa1er de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 afférent aux charges communes.
ex : mise à jour de la liste des copropriétaires, situation comptable apurée etc.
• Obligation à la dette
Le débiteur de ces frais est nécessairement le syndicat avec lequel le syndic a contracté.
• Contribution à la dette
Le montant de ces frais a ensuite vocation à être réparti entre les copropriétaires au prorata de leurs tantièmes, au titre des charges générales (article 10, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965).
β. Frais ayant pour origine une prestation servant exclusivement les intérêts des parties
La délivrance d'un état daté, comme d'un "pré-état daté" sert avant tout les intérêts du vendeur et de l'acquéreur du lot, car il vient informer les parties à l'acte sur la répartition des charges présentes et à venir dues au syndicat.
• Obligation et contribution à la dette : rappel des principes
Le contrat de syndic ne liant que le syndic avec le syndicat[7], l’obligation à la dette ne peut pas incomber au copropriétaire vendeur.
Pour que le syndic puisse réclamer les frais au copropriétaire vendeur, il doit prouver l’existence d’une obligation entre lui et le vendeur qui commande l’état daté. Or si le contrat porte sur une somme supérieure à 1500 €, il doit être passé par écrit à titre de preuve. Faute de contrat, le syndic pourra prouver par tous moyens que le copropriétaire a accepté de payer ses honoraires.
Réservons toutefois l’hypothèse où l’assemblée des copropriétaires avait approuvé le coût de l’état daté[8] et décidé de faire supporter son coût, à titre définitif, par le copropriétaire du lot[9]. Le syndicat devra payer les sommes réclamées au syndic, puis comptablement les imputer au débit du compte copropriétaire du vendeur. En effet, les honoraires doivent nécessairement transiter par la comptabilité du syndicat car la Cour de cassation a rappelé, à ce propos, le principe selon lequel les décisions d'assemblée générale ne régissent pas les rapports entre chaque copropriétaire et le syndic[10].
La contribution à cette dette doit être réglée par des stipulations dans la vente du lot, pour faire supporter définitivement cette dépense sur le vendeur ou l’acheteur.
Partant de ces principes, le syndic ne pourrait efficacement recouvrer ses honoraires de "pré-état daté" que dans les conditions suivantes :
- Faute d’assemblée des copropriétaires ayant statué sur le "pré-état daté", les frais de "pré-état daté" incomberont au copropriétaire du lot, l'ayant commandé au syndic, sous réserve que ce dernier soit capable de prouver que le copropriétaire a accepté de prendre en charge ces frais, faute de contrat écrit entre le copropriétaire et le syndic. Autrement dit, le syndic peut réclamer au copropriétaire vendeur des honoraires afférents au "pré-état daté "qu'il est tenu d'établir, mais à la condition d'avoir obtenu l'accord du copropriétaire intéressé sur leur montant[11].
- Soit l'assemblée des copropriétaires a voté[12] une décision spécifique décidant que le coût du "pré-état daté" est supporté par le propriétaire du lot objet de la mutation. Auquel cas, si le montant en a été approuvé par l'assemblée lors du vote du contrat de syndic, la dette est réglée par le syndicat des copropriétaires puis récupérée par celui-ci sur le copropriétaire par le biais d'une écriture comptable.
Notons que le copropriétaire peut prévoir la refacturation de cette somme à titre définitif sur l’acquéreur aux termes du contrat de vente.
[1] Article créé par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014.
[2] Est notamment considéré comme un lot annexe, un emplacement de stationnement ou un local tel qu'une cave, un grenier, un débarras, un placard, une remise, un garage ou un cellier.
[3] L'arrêté du ministre chargé du logement, précisant ces informations financières, n'est pas encore publié à ce jour.
[4] Cette information n'est pas exigée lorsque le syndicat comporte moins de dix lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, et dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 Euros
[5] Cette information n'est pas exigée lorsque le syndicat comporte moins de dix lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, et dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 Euros.
[6] L'arrêté du ministre chargé du logement, déterminant le contenu de cette notice, n'a pas encore été publié.
[7] Civ. 3, 24 mai 1989 n° 87-20.047, Bull.
[8] Pas de rémunération du syndic en l'absence de décision de l'assemblée générale des copropriétaires fixant cette rémunération (Civ. 3, 12 juin 1991, n° 89-19170, Bull).
[9] Réponse ministérielle n° 33426, justice : JOAN Q 21 janv. 1991, P.220 ; JCP N 1991, prat. 1991, n°4.
[10] Civ. 3e, 11 oct. 2005, no 04-17.178, AJDI 2006. 285, obs. Capoulade – Civ. 3e, 30 janv. 2008, no 07-10.750, Bull.
[11] Civ. 3, 30 janvier 2008, n° 07-10.750, Publié au bulletin (jurisprudence rendu à propos d'un état daté).
[12] Vote à la majorité simple (article 24 de la loi du 10 juillet 1965). Pour une inscription au règlement, application de la majorité des 2/3 de l'article 26 b) de la loi précitée.