Le notariat
Le rôle et le potentiel du notariat sont souvent méconnus de la clientèle française et internationale. Il est donc nécessaire de rappeler ce qu'est un notaire en France et les spécificités du notariat français par rapport aux autres notariats dans le monde, en resituant l'évolution du notariat dans l'histoire.
Qu'est-ce qu'un notaire ?
"Officiers publics, les notaires sont délégataires de l’autorité publique et sont établis pour recevoir tous les contrats, auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des copies authentiques c'est-à-dire des copies certifiées conformes à l'original appelé minute". (Article 1. de l’ordonnance du 2 novembre 1945).
L’article 1 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, définit le notaire comme un expert juridique qui exerce une profession libérale soumise à un statut spécifique puisque sa qualité d’officier public confère aux actes qu’il établit, le caractère d’authenticité attaché à l’autorité publique.
Le notaire peut aussi :
- recevoir des missions judiciaires en matière de divorce (expertise, projet liquidatif du régime matrimonial), de partage, d’adjudication judiciaire, d’expropriation mais aussi en matière de tutelle ou de curatelle,
- rendre des services d’ordre juridique à sa clientèle,
- à la demande de ses clients, rechercher des capitaux ou placer les fonds de ses clients sous réserve du respect de règles professionnelles très strictes,
- négocier des ventes de meubles ou d’immeubles en faisant signer un mandat écrit précisant la rémunération d’intermédiation sous réserve qu’il participe à l’élaboration des actes objets de la négociation.
Obligations d’un notaire :
- s'assurer de la légalité des conventions qu'il authentifie;
- veiller à l’équilibre des conventions passées entre les parties et au respect des intérêts des deux parties (impartialité et neutralité);
- conseiller les parties sur la base de son expertise juridique et fiscale afin de prévenir des conséquences des choix possibles et d’anticiper les effets d’évènements pouvant survenir dans le futur;
- harmoniser voire concilier les points de vue des parties co-contractantes;
- participer à la lutte contre le blanchiment des capitaux.
Responsabilités du notaire :
Portée des responsabilités du notaire selon la nature des actes
Nature de l'acte | Obligations de contrôle | Devoir de conseil | |
forme | fond | ||
Acte de dépôt de documents (papiers ou électroniques) | OUI | NON | NON |
Attestation et certificat - procuration | OUI | OUI | NON |
Acte de dépôt d'acte sous seing privé avec reconnaissance d'écritures et de signatures | OUI | OUI | OUI |
Convention en la forme authentique | OUI | OUI | OUI |
Mission judiciaire | OUI | OUI | OUI |
Spécificités françaises
Les notaires existent dans la plupart des pays de droit romano-germanique (Allemagne, Belgique, Hollande, Suisse, Espagne, Italie, Portugal, France).
Les États-Unis d'Amérique, le Canada et la Grande-Bretagne connaissent aussi cette institution.
Mais leur rôle est très différent dans chacun de ces pays allant du simple certificateur de signature (USA) au rôle d'authentification dans la plupart des pays européens ou de juriste à part entière comme en France.
En outre, le notaire français est autorisé à faire de la négociation portant sur des immeubles ou des meubles sous réserve qu'il rédige ou participe à la rédaction des actes juridiques correspondants (ventes, baux, cessions de titres sociaux…). Il peut aussi faire de l'administration de biens sans avoir à adhérer à une caisse de garantie des fonds clients détenus, car il est habilité à détenir lui-même les fonds en dépôt de ses clients sous réserve de règles professionnelles très strictes.
Déontologie des notaires de France
Les attributions des notaires, leurs obligations, leur responsabilité font l’objet d’un ensemble de règles issues de textes épars allant de la loi, à la jurisprudence en passant par la coutume.
Tout notaire doit s’efforcer de donner la meilleure image de sa profession. Notamment il accorde à ses clients le temps nécessaire pour répondre à leurs attentes. Il a le devoir de tenir à jour ses connaissances tant juridiques et fiscales, qu’économiques et sociales.
La fonction du notaire est exclusive de toute autre fonction à l’exception des fonctions électives.
Toute action commerciale est interdite au notaire. Un notaire ne peut pas accomplir d’actes renfermant des dispositions en sa faveur. en cas de manquement dans l’exercice de ses fonctions, il encourt une responsabilité pénale, civile et disciplinaire.
Les atouts d'un notaire en France
Caractère probatoire et exécutoire de l'acte authentique. Un acte authentique fait foi jusqu'à preuve contraire suivant une procédure très spécifique dite de l'inscription de faux. Les actes constatant une créance d'argent sont dotés de la force exécutoire de plein droit c'est-à-dire qu'ils permettent une exécution provisoire ou définitive sans recours au juge.
Permanence de l'office et conservation perpétuelle des documents juridiques reçus en la forme authentique (minutes ou brevets) et intérêt du dépôt notarié de documents papiers conservés par le notaire ou électroniques conservés dans un coffre-fort électronique sous l'autorité de la Chambre des notaires de Paris pour en éviter la perte. Le notaire délivre des copies simples ou certifiées conformes à la minute (copies authentiques ou électroniques pour les supports électroniques) à tout moment aux personnes intéressées.
Gestion directe des dépôts de fonds de la clientèle dans la comptabilité de tout office notarial et déposés à la Caisse des Dépôts et Consignations. La Caisse des Dépôts et Consignations est seule habilitée à pouvoir opérer le placement des fonds provenant des prix de vente ou de cession ou des indemnités en produits financiers sécurisés auprès de celle-ci.
Procédures nationale et internationale de virement électronique assurées par la Caisse des Dépôts et Consignations par l'outil CDC Net EDI ayant le caractère probatoire des actes authentiques.
Large couverture en matière d'assurance de responsabilité civile professionnelle au regard de sa qualité d'officier public délégataire du sceau de l'État français. Elle est complétée par une garantie collective des notaires, c'est-à-dire par la contribution personnelle et solidaire des notaires en cas de faute intentionnelle. Les conséquences préjudiciables d'une faute intentionnelle ne sont pas couvertes par l'assurance de responsabilité civile professionnelle.
Le principe du secret professionnel général et absolu.
Juriste droit des affaires
Ces atouts sont souvent méconnus des entreprises qui ont rarement recours à un notaire juriste en droit des affaires.
Organisation de la profession
Historique et évolution de la profession
Évolution comparée de la population des notaires et des avocats en France depuis la Révolution.
ANNÉES | NOTAIRE Nombre d'offices | AVOCATS Nombre de cabinets |
1789 | 14.000 | 5 à 6.000 |
1900 / 1901 | 8.615 | 4.492 |
1946 / 1948 | 6.961 | 6.931 |
1998 / 2000 | 7.7714 | 35.274 |
Historique de la profession jusqu'en 1914
Dans l’Égypte ancienne, le rôle des notaires était déjà de rédiger des conventions pour le compte d'autrui à l’époque sans caractère probatoire.
Sous l'Ancien Régime, les notaires étaient regroupés en plusieurs catégories distinguées par leurs attributions spécifiques. La vénalité et l'hérédité des offices remontent au XIIIe siècle. Louis XIV imposera aux notaires d'avoir un sceau aux armes du Roi.
A partir de la Révolution, la vénalité des charges et le caractère héréditaire des offices sont abolis par la loi des 29 septembre et 6 octobre 1791. La profession est alors administrée par l’État, la fonction étant assurée par les « notaires publics ». La loi du 25 ventôse an XI jette les bases du notariat moderne sous l'égide du Conseiller d'État Réal et fixe les caractères probatoire et exécutoire de l’acte authentique.
Acte authentique du XVIIIe siècle
Evolution de l'activité des notaires
Au milieu du XVIIIe siècle, les notaires de Paris rédigeaient deux fois plus de contrats de travail que d’actes de droit de la famille. Qui sait que les statuts des grandes sociétés commerciales ou industrielles ont été fondés par des notaires au XIXème siècle ? L'activité des notaires allait alors du droit de la famille, au droit des sociétés, du travail, et aux actes concernant l'immobilier en général.
Ainsi jusqu'à la première guerre mondiale, le notaire était un généraliste du droit.
Ci-dessus : portrait d'un notaire à la fin du XVIIIe siècle
Daumier raillant les notaires dans le cadre de la pratique du droit des affaires au XIXe siècle
A partir de 1945, la forte évolution du marché immobilier contraint progressivement les notaires à délaisser le droit des affaires et du travail pour assumer les obligations relevant de leur monopole.
En 1966, le refus du monopole proposé aux notaires pour la constitution des sociétés affaiblit leur position sur le marché du droit des affaires au profit des conseillers juridiques.
En 1978, la suppression du bulletin de souscription authentique lors de la constitution d'une société par actions ou d'une augmentation de capital réduit encore leurs prérogatives.
En 1990, la fusion des conseils juridiques avec les avocats renforce la position de ces derniers sur le marché du droit des affaires.
Seuls les notaires du Nord et quelques rares notaires en province et à Paris perpétuent la tradition du notaire généraliste parallèlement à la pratique du droit des affaires et à l’accompagnement des entreprises non cotées.
Evolution des structures d'exercice
Jusqu’en 1966, les notaires exerçaient leur activité en nom propre. La loi du 29 novembre 1966 autorise les professions libérales soumises à un statut protégé à se constituer en société civile professionnelle pour exercer leur activité. Cette loi, ayant favorisé les associations de personnes et les regroupements d’offices, a conduit à une spécialisation des notaires par domaines d’activités.
Depuis le décret du 13 octobre 1995, les notaires peuvent acquérir un certificat de spécialisation aux termes d'une pratique professionnelle de quatre années, sanctionnée par un examen de contrôle des connaissances.
Depuis la loi du 31 décembre 1990, les sociétés d'exercice libéral permettent aux notaires de travailler en réseau mono ou pluri professionnel avec d'autres professionnels du droit.
La loi du 11 décembre 2001 instituant les sociétés de participations financières de professions libérales, permet la création de réseaux mono professionnels au sein du notariat. Cette loi permet aux notaires investisseurs d’être majoritaires en capital par rapport aux associés exerçant la profession qui restent majoritaires en droits de vote seulement.
Ces dernières réformes et les résultats de la commission Darrois vont-elles favoriser une évolution de la profession ?