Les différents avants-contrats et leur portée juridique
Est ici présenté exposé sur la formation de la vente et un catalogue des différents avant-contrats et la qualification des versements préalables propres à chacun d'eux.
I - Fonctionnement de la vente en droit français et conséquences fiscales
La vente est formée dès qu’il y a accord sur la chose et sur le prix, sauf dans le secteur de l’habitation (vente et VEFA). Elle entraîne transfert de propriété immédiat et exigibilité immédiate des droits d’enregistrement, indépendamment de tout paiement du prix.
Il est possible depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, de déconnecter le transfert de propriété de la formation de la vente, par la stipulation d’une clause de réserve de propriété (article 2367 du Code civil).
Pour pouvoir être pratiquée en matière immobilière, elle doit constituer une condition de formation de la vente pour être suspensive des droits d’enregistrement, ce qui a pour contrepartie, d’affaiblir la formation définitive du contrat de vente.
II - Evénements retardant la formation de la vente
La condition suspensive est un événement futur et incertain dont la réalisation entraînera la formation en principe rétroactive de la vente. La condition retarde la formation de la vente et donc l’exigibilité des droits d’enregistrement.
Une condition suspensive, ne peut concerner qu’une modalité du contrat et non un élément nécessaire à sa naissance ou constituant son effet essentiel. Ainsi une autorisation administrative conditionnant la formation du contrat ou le paiement du prix ne peuvent pas être érigés en condition suspensive.
Si la condition suspensive est stipulée en faveur des deux parties, elles ne peuvent y renoncer que d’un commun accord.
Si la condition suspensive est stipulée dans l’intérêt exclusif de l’une seule des parties, le bénéficiaire peut y renoncer unilatéralement jusqu’à sa défaillance. Après la défaillance, il ne peut y renoncer en principe qu’avec l’accord de son cocontractant. En effet, le contrat est caduc du seul fait de la défaillance de la condition suspensive.
Pour ériger le paiement du prix en condition suspensive, on recourt à la constitution d’un gage- espèce, si l’acquéreur doit régler avec des fonds propres. Cette clause permet de bloquer l’exigibilité des droits d’enregistrement jusqu’à la signature de l’acte définitif qui doit constater le paiement du prix à ce moment-là.
La condition résolutoire entraînera quant à elle la résolution de la vente en cas de survenance de la condition. Elle doit cependant être maniée avec précaution, car la résolution amiable d’une vente est assimilée fiscalement à une double mutation et entraîne donc la double perception des droits d’enregistrement à la vente et à la restitution.
Il faut noter que dans les deux cas, une condition doit être stipulée au profit d’un ou plusieurs bénéficiaire(s) et que la faculté de renonciation doit être prévue et enfermée dans un délai.
Le terme est un événement futur et certain qui suspend les effets du contrat jusqu’à sa réalisation. Il permet de différer le transfert de propriété, mais ne suspend pas l’exigibilité des droits d’enregistrement.
Une condition suspensive ou résolutoire est en principe assortie d’un terme, c’est-à-dire, d’un délai au-delà duquel faute de réalisation, la condition est réputée défaillie (article 1177 du Code civil). Faute de ce terme, la réalisation de la condition reste pendante.
III - L’offre de vente ou pollicitation
L’offre de vente, ou pollicitation, est la proposition de contracter. Elle peut d’une part, être adressée à une personne déterminée ou à tout intéressé et d’autre part, être à durée déterminée ou à durée indéterminée. Si elle est à durée indéterminée, elle peut être retirée par le pollicitant à tout moment tant qu’elle n’a pas été acceptée par le bénéficiaire.
Son acceptation suffit pour entraîner la formation définitive de la vente, sauf si des conditions sont prévues. Ainsi, s’il est précisé dans l’offre, que celle-ci est conditionnée à la signature d’une promesse de vente ou d’un acte de vente, alors l’offre devient une simple lettre d’intention.
IV - Le pacte de préférence
Le pacte de préférence est un contrat par lequel une personne s’engage, pour le cas où elle se déciderait à vendre ou à louer un bien, à l’offrir d’abord, aux conditions proposées par un tiers (ou à des conditions prédéterminées) au bénéficiaire du pacte, lequel jouit pour se porter acquéreur ou locataire, d’un droit de préemption.
En cas de violation de ce contrat, le bénéficiaire peut exiger l’annulation du contrat passé en violation de ses droits et sa substitution au tiers avec qui le contrat a été conclu, si ce tiers connaissait l’existence du pacte et la volonté du bénéficiaire de s’en prévaloir (Cass, 26 mai 2006). Toutefois, cette dernière condition est très difficile à prouver en pratique.
V - La promesse unilatérale de contrat (vente, louage etc.)
La promesse unilatérale de contrat, est un accord de vente par lequel une personne, dénommée promettant, s’engage immédiatement envers une autre personne, dénommée bénéficiaire, à conclure un contrat à des conditions déterminées, à son profit ou au profit d’une personne qu’il se substituerait, si son bénéficiaire lève l’option dans le délai prévu. La levée d’option résulte en principe d’une simple manifestation de volonté du bénéficiaire. Toutefois, il est préférable de prévoir dans la promesse que la levée d’option ne pourra résulter que de la signature de l’acte définitif de vente et du paiement du prix exigible à cette date. Faute de ce dispositif, il est impératif de définir contractuellement, la portée de la levée d’option faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou acte extrajudiciaire, quant à la transformation de la promesse de vente en vente définitive et quant à la nature du versement (arrhes ou clause pénale).
A peine de nullité, la promesse unilatérale de vente sous seing privé doit être enregistrée dans les dix jours de sa conclusion (article 1589-2 du Code civil, ancien article 1840 A du CGI).
Le bénéficiaire n’a aucune obligation aux termes de la promesse, sauf celle de verser l’indemnité d’immobilisation, s’il ne lève pas l’option. Il est libre de lever l’option ou non.
S’il choisit de ne pas lever l’option, il perdra son indemnité d’immobilisation et le promettant ne pourra pas obtenir l’exécution forcée de la vente. Si des conditions suspensives sont prévues en faveur du bénéficiaire, celles-ci n’affecteront pas la promesse, mais l’obligation du bénéficiaire de verser l’indemnité d’immobilisation.
Le refus par le promettant de conclure la vente par acte définitif, ne peut donner lieu qu’au versement de dommages-intérêts (Cass, 15 déc. 1993, Dalloz 1994, p 507).
L’indemnité d’immobilisation constitue le prix de l’exclusivité pendant la période de levée d’option. Elle peut être révisée par le juge en fonction de la durée réelle de l’immobilisation, sauf si elle est stipulée de façon forfaitaire. Le montant est fixé librement par les parties, mais il ne doit toutefois pas être trop élevé (inférieur à 10 %), afin de ne pas priver le bénéficiaire de sa liberté d’option, sous peine de requalification du contrat.
L’indemnité d’immobilisation est en principe soumise à TVA au taux de droit commun si le vendeur est redevable de la TVA (cette solution ne devait pas être remise en cause par l’avis de la CJCE du 18 juillet 2007 exonérant les arrhes de TVA).
Enfin, l’article 1589-1 du Code Civil, prévoit que "est frappé de nullité, tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier, pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage, un versement, quelles qu’en soient la cause et la forme".
L’indemnité d’immobilisation constitue le prix de l’exclusivité pendant la période de levée d’option. Elle peut être révisée par le juge en fonction de la durée réelle de l’immobilisation, sauf si elle est stipulée de façon forfaitaire. Le montant est fixé librement par les parties, mais il ne doit toutefois pas être trop élevé (inférieur à 10 %), afin de ne pas priver le bénéficiaire de sa liberté d’option, sous peine de requalification du contrat.
L’indemnité d’immobilisation est en principe soumise à TVA au taux de droit commun si le vendeur est redevable de la TVA (cette solution ne devait pas être remise en cause par l’avis de la CJCE du 18 juillet 2007 exonérant les arrhes de TVA).
Enfin, l’article 1589-1 du Code Civil, prévoit que "est frappé de nullité, tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier, pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage, un versement, quelles qu’en soient la cause et la forme".
VI - La promesse synallagmatique ou compromis de vente
La promesse synallagmatique ou compromis de vente, est le contrat par lequel les parties s’obligent à vendre et à acquérir. Elle vaut vente, selon les dispositions de l’article 1589 du Code civil.
Depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 28 juin 2006 (Defrénois 23-06, p 1851), il est admis qu’une clause de substitution dans le bénéfice des droits et obligations d’une promesse synallagmatique de vente insérée dans une promesse synallagmatique de vente, ne la requalifie pas en promesse unilatérale de vente. La substitution devra intervenir avant la réalisation des conditions suspensives, car à défaut, elle constituera une double mutation à l’égard de l’Administration Fiscale et sera fiscalisée comme telle.
Ce contrat a une géométrie variable. En effet, rien n’interdit qu’un événement conditionne la formation d’un contrat de vente. L’usage est d’ériger l’acte authentique conditionnant la vente définitive en terme ou en condition définitive du contrat.
Si la signature de l’acte authentique de la vente définitive est un terme suspensif, la vente est alors parfaite car il y a accord sur la chose et sur le prix, sous réserve de l’accomplissement des conditions suspensives éventuelles ou de leur renonciation. Cela signifie que si l’acte définitif de vente n’est pas signé à l’arrivée du terme alors que toutes les conditions suspensives sont levées ou que leur bénéficiaire y a renoncé, chaque partie pourra demander la constatation judiciaire de la vente.
Il peut toutefois être prévu que le terme est un terme de caducité, c’est-à-dire que si l’acte définitif de vente n’est pas signé à l’issue du délai prévu pour la réitération authentique, chaque partie reprendra sa liberté.
Le versement préalable peut être qualifié d’arrhes ou de clause pénale.
> Les arrhes constituent le prix d’une faculté de dédit, forfaitaire et en principe bilatérale (article 1590 du Code civil). Il faudra donc, si c’est l’acquéreur qui rédige le document contractuel, préciser dans le contrat que le vendeur renonce à sa faculté de dédit. Si l’acquéreur exerce sa faculté de dédit, le vendeur ne pourra pas obtenir l’exécution forcée de la vente.
Ce versement est favorable à l’acquéreur car il lui permet de sortir de l’opération sans contestation possible.
Les arrhes ne sont pas soumis à TVA (CJCE, avis du 18 juillet 2007, infirmant la doctrine de l’administration fiscale).
> La clause pénale est une clause qui fixe à l’avance le montant des dommages-intérêts qui seront dus en cas d’inexécution d’un contrat (articles 1152 et 1226 du Code civil). Sa finalité est double (indemnité réparatrice et peine privée), mais son effet comminatoire prime sur son effet réparateur, car elle est due dès lors qu’il y a inexécution du contrat. Mais le juge pourra la réviser à la hausse ou à la baisse, en fonction du préjudice réellement subi par la victime (ceci est une différence fondamentale avec les arrhes non révisables par le juge). A la différence des arrhes, elle ne prive pas son bénéficiaire de demander la réalisation forcée de la vente et pourra s’ajouter au prix convenu en cas de réalisation judiciaire de la vente.
Ce versement est donc plus favorable au vendeur car il permet d’obtenir l’exécution forcée de la vente s’il le souhaite ou au contraire, son anéantissement en contrepartie de l’attribution de l’indemnité à son profit.
La clause pénale n’est pas soumise à TVA en raison de sa double nature (indemnité réparatrice et peine privée).
S’il est stipulé que la signature de l’acte authentique définitif est un élément de formation du contrat, la vente est un simple projet. Les parties ne sont engagées à rien, et chacune d’elle peut sortir gratuitement. L’intérêt de ce contrat est uniquement psychologique. Il peut éventuellement y avoir lieu au versement d’une indemnité sur le fondement de la responsabilité délictuelle en cas de faute d’une des parties, si l’autre partie démontre l’existence d’un préjudice avéré et justifié (la seule non-réalisation de l’opération ne constitue pas un préjudice).
VII - Le contrat de réservation en matière de VEFA
Le contrat de réservation est un contrat aux termes duquel une personne, dénommée le réservant, en contrepartie d’un dépôt de garantie versé par une autre personne, dénommée le réservataire, sur un compte spécial, s’engage à réserver à son profit un immeuble ou une partie d’immeuble à construire à un stade où l’opération est à l’état de simple projet. Il s’agit d’un contrat sui generis dont le contenu est strictement encadré dans le secteur de l’habitation (article L 261-15 du Code de la construction et de l’habitation). Il ne doit pas être enregistré dans les dix jours de sa conclusion.
Si l’immeuble est en cours de construction, cette forme d’avant-contrat ne s’impose plus et les parties peuvent toutefois conclure une promesse unilatérale de vente ou une promesse synallagmatique de vente.
Le versement préalable d’un contrat de réservation prend la forme d’un dépôt de garantie dont le montant maximum est fixé par les textes (article R 261-28 du Code du commerce et de l’habitation) et est fonction de la durée prévisionnelle des travaux.
Il est en principe soumis à TVA au taux de droit commun si le vendeur est redevable de la TVA.
(Conseil d'Etat, 23 oct 1998, n° 154039).
VIII - Les promesses unilatérales croisées
Cette pratique très usitée en matière de cession de titres de capital consiste pour un vendeur à consentir une promesse unilatérale de vente portant sur un bien ou des droits déterminés, au profit d’un acquéreur potentiel. Ce dernier lui consent en retour, une promesse unilatérale d’achat sur le même objet et aux mêmes conditions.
L’un et l’autre des contractants sont assurés de pouvoir réaliser la vente, si telle est finalement leur intention définitive, avec l’avantage de n’être pas subordonné au bon vouloir de leur contractant.
Mais il est aussi possible que faute de levée d’option de part et d’autre, la vente définitive ne se réalise pas. La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 22 novembre 2005, a décidé que cette pratique consistait en réalité à signer une promesse synallagmatique de vente, valant vente au sens de l’article 1589 du Code civil. Il semble que cet arrêt soit un arrêt d’espèce.
En conclusion, le juge est toujours libre de requalifier un contrat, peu importe l’intitulé que lui ont donné les parties. Les requalifications judiciaires sont le plus souvent la conséquence d’une mauvaise rédaction du contrat. Il faut donc veiller à la cohérence du contrat et à ce que la mécanique juridique soit clairement identifiée pour éviter toute requalification judiciaire.
Voir également dans nos études :
Le devoir réciproque d'information des parties à un contrat consacré dans le Code civil depuis 2016
Les vices du consentement depuis la réforme du droit des obligations du 10 février 2016