Droit décrypté
Validité d'un engagement de cession de titres à prix minoré en cas de licenciement
05 Août 2016 Droit des Affaires
Validité d'un engagement de cession de titres à prix minoré en cas de licenciement
La décision rendue par la Cour de Cassation après avis de la Chambre sociale en date du 7 juin 2016 (Cass Com, 7 juin 2016 n°14-17.978 B c/Société Novédia) est d'une grande importance pratique car elle aborde le sujet de la licéité de l'engagement pris par un actionnaire salarié, de céder ses actions à un prix minoré en cas de licenciement.
Madame X, directrice commerciale d'une société anonyme (SA), la société S, est à la fois actionnaire et salarié de cette dernière. Elle se voit attribuer gratuitement, en application des dispositions de l'article L225-197-1 du Code de Commerce, des actions de la société S pour qui elle travaille et qui viennent s'ajouter à celles qu'elle détient déjà. Par la suite, la société N, société mère de la société anonyme S, pour en détenir plus de 97% du capital social, conclut un pacte d'actionnaires avec Mme X qui s'engage irrévocablement à céder la totalité de ses actions en cas de perte de la qualité de salariée pour quelque cause que ce soit et moyennant un prix de cession variant selon les circonstances dans lesquelles le contrat de travail prendrait fin. En effet, en cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix des actions serait fixé à dire d'expert et subirait une décote de 50%.
Trois ans plus tard, Madame X est licenciée mais son licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse par le tribunal prud'homal. Après estimation du prix des actions par un expert à 155.000€, la société anonyme S applique alors la décote de 50% conclu dans le pacte d'actionnaires et verse à Madame X la somme de 77.500€. Madame X conteste alors la validité du pacte d'actionnaires conclu et réclame le versement du solde du prix.
Dans cette décision, la Cour de Cassation va rejeter le pourvoi formé par Madame X et confirmer l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles en considérant que l'engagement pris par un actionnaire salarié d'une société de céder à prix minoré ses actions dans le cas où il serait licencié est licite dès lors qu'il représente la contrepartie d'un processus d'intéressement du salarié, qu'il est applicable à tout type de licenciement et ne sanctionne pas une faute de ce dernier.
En effet, l'ancien salarié ne pouvait utilement soutenir que son engagement de rétrocéder ses actions à un prix minoré en cas de licenciement trouvait sa cause dans l'imputabilité du licenciement et que cette cause n'était pas licite car la clause prévoyant la décote des actions en cas de licenciement, participait à l'équilibre général du contrat et entrait dans un processus d'amélioration de la rémunération du salarié en l'associant à la gestion de l'entreprise.
Cette jurisprudence s'inscrit dans une volonté de maintenir un certain équilibre dans les relations contractuelles que peut entretenir un salarié actionnaire avec la société qui l'emploie. En ce sens, il a été jugé qu'un pacte d'actionnaires faisant obligation aux actionnaires salariés signataires de céder en cas de licenciement leur titres en priorité aux actionnaires, trouvait sa cause dans la volonté d'établir une procédure de sortie de la société tout en maintenant une certaine répartition entre actionnaires salariés et mandataires sociaux (CA Paris 18.10.2005 n°04-4322).
La réforme du droit des contrats applicable à partir du 1er Octobre 2016 ne viendra pas remettre en cause cette solution car même si l'exigence de la cause a été supprimée, elle impose que le contenu du contrat en particulier son but soit licite (article 1128 3° et 1162 nouveau du Code Civil).