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Saisie de l'immeuble du débiteur en liquidation judiciaire ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité

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Saisie de l'immeuble du débiteur en liquidation judiciaire ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité 05 Octobre 2016 Droit des Affaires
Saisie de l'immeuble du débiteur en liquidation judiciaire ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 avril 2016, n° 14-24.640, a jugé que le créancier à qui une déclaration d’insaisissabilité était inopposable, pouvait entreprendre la saisie de l’immeuble, même si le débiteur était sous l’empire d’une liquidation judiciaire.

Le litige opposait un débiteur en liquidation judiciaire à un créancier antérieur à la procédure de liquidation judiciaire. En l'espèce, le débiteur avait fait publier le 10 mars 2010 une déclaration d'insaisissabilité sur son immeuble qui fut grevé le 19 juin 2012 d’une hypothèque judiciaire par un créancier ayant obtenu par jugement du 6 janvier 2011, un titre exécutoire d’une dette résultant d’un contrat antérieur. Rappelons par ailleurs que la déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet que pour les créanciers dont les droits naissent après sa publication et dans le cadre de l'activité professionnelle du déclarant (article L526-1 du Code de commerce). Le créancier, pour lequel la déclaration était inopposable, souhaitait donc procéder à la vente de l'immeuble par saisie immobilière du bien, sans avoir besoin d’une ordonnance du juge commissaire pour permettre la vente de l’immeuble par voie d’adjudication en application des articles L642-18 et R642-22 et suivants du Code de commerce.   

Dans son arrêt du 30 juin 2014, la cour d'appel de Grenoble considérait que la publication de la  déclaration d'insaisissabilité, avant l'ouverture de la liquidation judiciaire, ne permettait pas au créancier hypothécaire de se soustraire aux règles de la procédure collective malgré l'antériorité de la créance. Le créancier ne pouvait pas donc pas passer outre l'autorisation du juge-commissaire pour demander la vente du bien qui n'était en l'espèce pas possible à cause de l'antériorité de la déclaration d'insaisissabilité sur la procédure.

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel pour deux raisons. La première est que la déclaration d'insaisissabilité est inopposable au créancier hypothécaire puisque sa créance est antérieure à la publication de celle-ci. La seconde est que la procédure collective n'empêche pas le créancier de procéder à la saisie. En effet, la déclaration d'insaisissabilité écartait l'immeuble du champ de la procédure et permettait donc au créancier hypothécaire de procéder à la saisie du bien sans autorisation du juge-commissaire.

La solution retenue par la Cour régulatrice s'explique ainsi par le caractère relatif de l'insaisissabilité de l'immeuble (qui, si elle peut être opposée au liquidateur dans le cadre de la procédure collective, ne peut l'être au créancier antérieur à la déclaration d'insaisissabilité). Par ailleurs, elle se situe dans le prolongement de sa jurisprudence qui refuse au juge-commissaire d'autoriser le liquidateur (à qui la déclaration est opposable) à engager la saisie-vente pour le compte d'un créancier à qui la déclaration est inopposable (Cass. com., 5 mai 2015 n° 14-11.949, 24 mars 2015 n° 14-10.175, 22 mars 2016 n° 14-21.267). Il en résulte que cette saisie doit nécessairement être engagée en dehors du cadre de la procédure collective. On notera enfin que cette solution vaut aussi pour l'insaisissabilité de droit de la résidence principale consacrée au nouvel article L526-1 du Code de commerce par la loi Macron du 6 août 2016.


Voir aussi dans nos actualités :


Déclaration d'insaisissabilité depuis la loi Macron du 6 août 2015


Ordonnance du 12 mars 2014 n°2014-326 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives (JO n°0062 du 14 mars 2014).

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