Droit décrypté

L'achat des parts d'une société financé par l'emprunt n'est pas en principe un acte anormal de gestion

L'achat des parts d'une société financé par l'emprunt n'est pas en principe un acte anormal de gestion
Cet arrêt du Conseil d'Etat en date du 15 février 2016 (CE, 9ème et 10ème sous-section 15/02/2016, n°376739), précise dans quelles conditions l'achat des parts des associés par la société, financé par l'emprunt, peut constituer un acte anormal de gestion et entrainer la réintégration du montant des intérêts d'emprunt dans le bénéfice imposable.
Lors d'une assemblée générale extraordinaire, les trois associés de la société en nom collectif X, qui détenaient chacun 3502 parts de ladite société, ont décidé de faire acquérir, par la SNC X, tout ou partie de leurs parts et de réduire en conséquence le capital social par annulation des parts acquises. L’un des associés a cédé la totalité de ses 3 502 parts, tandis que les deux autres cédaient, chacun, 3 260 parts. La réalisation définitive de l’opération a été constatée lors de l’assemblée générale du 1er avril 2006 durant laquelle la SNC, a également opté pour l’impôt sur les sociétés.
A l’occasion d’une vérification de la comptabilité de la société, l’administration fiscale a remis en cause la déduction du bénéfice imposable au titre de l’exercice clos le 31 mars 2007 des intérêts des emprunts contractés par la société pour financer l'achat des titres. L’administration a estimé qu’en procédant au remboursement des parts sociales au profit de ses associés, la société n’avait pas agi dans l’intérêt de l’exploitation mais dans celui de ses associés. Débouté en première instance, la société s'est donc pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat dans cet arrêt casse et annule l'arrêt rendu par de la Cour administrative d'appel de Bordeaux en rappelant que les charges qui peuvent être admises en déduction du bénéfice imposable conformément à l'article 39 du Code Général des Impôts, doivent avoir été exposées dans l’intérêt direct de l’entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs. Bien que réalisée dans l'intérêt des associés, le Conseil d'Etat considère que l’opération d'achat de ses propres titres par une société suivi d'une réduction de capital social, ne saurait à elle seule être contraire à l’intérêt de la société et faire obstacle à la déduction des intérêts des emprunts contractés pour financer l'acquisition.
Le Conseil d'Etat rappelle que l'achat de ses propres titres par une société suivi de la réduction de son capital social n'affecte que son bilan en réduisant ses capitaux propres et demeure sans influence sur son résultat imposable, notamment lorsque le prix auquel sont acquis les titres est supérieur à leur valeur nominale sans faire apparaître une perte déductible, cette opération ne saurait constituer à elle seule un acte anormal de gestion. Par suite, les intérêts des emprunts contractés pour financer cette acquisition sont déductibles.
De cette façon, le Conseil d'Etat vient limiter considérablement le champ d'intervention de l'acte anormal de gestion dans de tels cas et confirme sa jurisprudence qui fixe le principe de la liberté de choix du financement d'une entreprises consacré sans ambiguïté par la jurisprudence administrative (CE, 20 décembre 1963, n°52308, 30 décembre 2003, SA Andritz, n°233894).